Don_Angelo 27 Posté(e) le 20 février 2011 Partager Posté(e) le 20 février 2011 "Vous savez que la Marseillaise est un plagiat?" c'est à peu près le discours que m'a tenu une connaissance au cours d'une conversation. Mais comme il ne pouvait pas citer la moindre source je n'y ai accordé aucun crédit. Jusqu'à retomber sur cette affirmation dans un commentaire youtube. La coïncidence étant trop belle, je me dit qu'à un moment il y a dû y avoir un buzz médiatique à ce sujet. Effectivement google regorge de liens vers des forums ou des blogs relayant cette affirmation sans toujours citer des sources fiables. La question ayant définitivement piqué ma curiosité j'ai donc fait quelques recherches dont voici le résultat. Cette thèse a été émise vers 1886 par Arthur Loth dans un ouvrage intiulé La Marseillaise: enquête sur son véritable auteur. N'ayant pas pu encore lire le livre, mais seulement des extraits via Google Books je vous résume ce que j'en ai lu. Arthur Loth soutient que sa famille est en possession de la partition d'un oratorio intitulé Esther de la main d'un organiste de Saint-Omer M. Jean Baptiste Louis Grisons dont le début comporte un thème rigoureusement similaire à notre hymne national, rythmique similaire mais tonalité légèrement différente. Problème Grisons n'a jamais revendiqué la paternité de CE thème précisément, mais la partition est incontestablement antérieure à la partition de Rouget de Lisle puisqu'elle daterait de 1787 (et la Marseillaise de 1792). J'ajoute qu'un certain Edelman aurait composé un oratorio du même nom vers 1782, le manuscrit aurait disparu, et Edelman n'aurait pas non plus revendiqué la paternité. (je n'ai pas encore pu déterminer la source de cette dernière affirmation) Mais on trouve des thèmes similaires chez d'autres compositeurs, je n'en citerai qu'un, Wolfgang Amadeus Mozart, dans le concerto pour piano n°25 qui lui date de 1786... De mon point de vue, je pense qu'il convient de préciser qu'il n'est pas rare dans l'histoire de la musique de voir que les compositeurs se sont inspirés les uns des autres, mais aussi de la culture populaire. C'est ainsi par exemple qu'on peut entendre dans le ballet Casse-Noisette de Piotr Illytch Tchaikovsï des mesures de comptines françaises: Bon voyage M. Dumollet et Cadet Roussel, ou des chants populaires russes dans ses symphonies et concertos. Des mesures de la Marseillaise sont audibles dans l'Ouverture Solenelle 1812 de Tchaikovskï toujours. Il est d'ailleurs loin d'être un cas isolé. Dvorak dans sa sérénade pour cordes Op. 22 (B52), deuxième mouvement utilise un thème très voisin de la valse n°2 Op. 64 de Frédéric Chopin. Gustav Mahler avait choqué ses contemporains en transformant le thème de Frère Jacques en marche funèbre pour le 3ème mouvement de sa première symphonie. On peut ainsi continuer à dresser une longue liste de citations et d'emprunts mais il faut également comprendre que dans la mécanique d'écriture et de réalisation d'une mélodie il y a des intervalles, des progressions d'accords qui sonnent particulièrement bien, voir qui sont des passages obligés pour satisfaire à des critères esthétiques ou formels. Enfin dernier point qu'il me semble utile de préciser, il n'était pas rare de la part des compositeurs déjà à l'époque de Jean Sébastien Bach de se livrer à des improvisations sur des thèmes qu'on leur donnait, ou plus proche de nous des réécriture sur des thèmes connus de compositeurs d'une façon plus où moins explicite. Car au delà de la présence d'un thème dans une oeuvre il faut voir la réalisation qui en est faite. Aussi pour en revenir à la Marseillaise, il est clair que son thème n'est pas de Rouget de Lisle, et que d'autres avant lui ont utilisé ce thème, mais de la à monter au créneau et hurler au plagiat il y a une différence. Je pense qu'il est possible que Rouget de Lisle ait en fait utilisé une mélodie populaire qui s'est tout simplement perdue après coup. Je vais pour ma part essayer de me procurer au plus vite le livre de Arthur Loth afin de voir sil il contient des détails supplémentaires intéressants. 2 Lien à poster
momo 18 Posté(e) le 20 février 2011 Partager Posté(e) le 20 février 2011 Ben nan : ça peut pas être un plagiat. Tous les droits d'auteurs précédent la révolution française ont été abolis lors de celle ci. Lien à poster
Don_Angelo 27 Posté(e) le 20 février 2011 Auteur Partager Posté(e) le 20 février 2011 J'ai dit dans la shoutbox, par rapport à la conversation avec tbr: "A ce compte là je peux vous soutenir que J. Williams a plagié Dvorak sur les dents de la mer, et tant que j'y suis je peux dire qu'il a été voir Bernard Hermann de la bande originale de Psycho." Explications: Ouvrez le conducteur de la symphonie no. 9 de Antonin Dvorak, à la page du quatrième mouvement qui commence « Allegro con fuoco ». Les trois premières mesures sont exclusivement jouées par les cordes. Il y a un accelerando assez prononcé pour le tempo, et la structure est simpliste c’est la même chose jouée sur trois octaves : une seconde mineure qui se situe sur le demi-ton naturel entre le si et le do. Dans le jargon des musiciens cela s’appelle une seconde mineure et constitue une dissonance, qui crée à l’écoute une tension qui ici est accentuée par l’accélération de tempo. La disposition sur trois octaves est là pour donner un aspect massif et monolithique à l’oreille. Bien que la tonalité globale de cette symphonie soit en mi mineur, il faut considérer ces trois mesures (et la suite de l’intro) dans la tonalité relative soit en sol majeur ça donne un caractère plus tonitruant à cette intro. John williams commence le thème des dents de la mer exactement de la même manière, sauf qu’il a allongé l’accélération en répétant la dissonance qui cette fois se trouve entre le mi et le fa (une simple transposition en somme). Parce que cette introduction doit suggérer quelques chose d’inquiétant mais de caché, il joue tout bas à l’inverse de Dvorak qui joue ses mesures très fort. Il a également supprimé une octave par rapport à Dvorak pour les mêmes raisons. Ça n’a l’air de rien comme ça, mais jouez ces notes au piano avec une frappe très sèche sur le clavier en étant bien descendu dans les graves en accélérant très légèrement et vous comprendrez bien vite en quoi cette seconde mineure est importante. Vous n’êtes pas convaincu ? prenez un violon, partez dans le registre aigu sur un ré# et glissez vers le mi dans un même trait d’archet avec une attaque toujours très sèche (en tirant sur chaque ré#). C’est strident et c’est toujours une seconde mineure, dont on a simplement gonflé le caractère dissonant en montant très haut perché dans les aigus. Vous reconnaitrez au passage le thème de psychose par Bernard Hermann pour le film d’Hitchcock. Il suffit ensuite d’ajouter la même chose une et deux octaves plus bas pour créer un effet d’écho, qui avec l’image accentue le caractère angoissant de la scène. Vous comprendrez donc le sarcasme quand je parlais de « plagiat » pour seulement deux notes qui sont si je puis dire un effet fort simple et extrêmement efficace. Dans le cas des dents de la mer, Williams a eu le génie d’introduire une troisième note à intervalle régulier, en l’occurrence un ré. Qu’est-ce que cela change ? Et bien son motif de trois notes devient régulier, c'est un ostinato qui crée un effet « tourbillonant » sur lequel il va progressivement greffer un « vrai » thème mélodique. (On appelle ça une passacaglia) Ajoutez un crescendo sur le volume et vous donnez l’illusion que la créature cachée s’approche, vous arriveriez presque en jouant sur le panning à suggérer qu’elle tourne autour de l’auditeur. Dernier point, le choix des cuivres, dont le timbre « étouffé » convient mieux que des cordes dont le son est trop net pour l’effet recherché. Lien à poster
Loone 22 Posté(e) le 20 février 2011 Partager Posté(e) le 20 février 2011 Évidemment que la marseillaise est un plagiat, on retrouve son thème en ouverture d'une vielle ballade anglaise qui a fait le tour du monde et dont rouget de lisle a forcément entendu une interprétation, je parle bien entendu du fameux "All you need is love" ... ... Lien à poster
TeKa 8 Posté(e) le 21 février 2011 Partager Posté(e) le 21 février 2011 Je n'avais pas lu le thread lors de sa conception (tl;dr), mais comme j'avais du temps à perdre... Exposé très clair et très intéressant, il ne me manque que les écoutes des oeuvres pour parfaire le tout. Lien à poster
Don_Angelo 27 Posté(e) le 21 février 2011 Auteur Partager Posté(e) le 21 février 2011 Teka> Pour ce qui concerne l'oratorio Esther il m'a été impossible de mettre la main sur un enregistrement "documenté". J'ai bien trouvé un enregistrement sur un blog, mais il est difficilement vérifiable donc je me suis basé sur des reproductions de la partition pour dire qu'il y a une ressemblance. Elles sont extraites du livre de Loth. Pour le 25ème concerto de Mozart et toutes les oeuvres que j'ai mentionné comme se citant mutuellement la tâche est beaucoup plus simple, ce sont des compositeurs et oeuvres archi-connues donc il n'y a aucune difficulté. Edelman je n'ai pas trouvé la moindre référence à son sujet nulle part, et je n'ai vraiment pas envie de me déplacer jusqu'à la BNF pour demander des sources le concernant. Pour le post concernant la seconde mineure là encore une petite recherche dans youtube ou n'importe quel site d'écoute de musique en ligne digne de ce nom va crouler sous les résultats. Bon j'aurais du dire que le thème de Psychose s'appelle The Murder pour simplifier les recherches. Personnellement je trouve plus intéressant d'écrire ce genre d'articles que de donner mon avis sur des enregistrements classiques que j'écoute ou concerts auxquels j'assiste. Au passage: http://www.laprovenc...la-marseillaise Lien à poster
Messages recommandés